lundi 20 novembre 2017

Debriefing psychologique : histoire et perspectives

Les attaques terroristes qui frappent notre pays depuis quelques années ont (re)mis en lumière une pratique qui existe en fait depuis longtemps : le débriefing psychologique, dispositif destiné aux personnes ayant vécu un événement potentiellement traumatisant.

Le terme debriefing vient de l'anglais, et plus précisément de l'anglais miliaire : il signifie compte-rendu ou rapport de fin de mission. En français débriefer veut dire interroger quelqu'un à fond. Debriefing désigne une réunion de travail qui a lieu après une mission, un événement, pour en tirer les enseignements (Dictionnaire le Robert).

Si le terme est apparu pendant la Seconde Guerre Mondiale, les soins d'urgence aux personnes traumatisées psychiques ont probablement existé dès la guerre de Sécession aux Etats-Unis et se sont considérablement développés pendant la Première Guerre Mondiale puis pendant la Deuxième. L'histoire du debriefing psychologique s'ancre donc en milieu militaire et il n'est sans doute pas inutile de rappeler qu'à l'origine les soins aux soldats traumatisés psychiques avaient comme objectif de les ramener au front le plus vite possible... Les soldats étaient ainsi pris en charge à proximité des combats, où ils pouvaient entendre le bruit des combats ! Il s'agissait avant tout de les convaincre que leurs réactions post-traumatiques étaient normales, qu'elles allaient passer et qu'ils pouvaient donc retourner au combat.
Actuellement dans l'esprit du grand public, et cela recoupe sans doute une partie des dispositifs mis en place en cas de catastrophe ou d'événement à potentiel traumatique, le debriefing correspond à une mise en récit de ce qui s'est passé, mise en récit effectué auprès d'un professionnel "psy" (psychiatre, psychologue, infirmier psy) et ce dans les quelques jours qui suivent l'événement. L'idée est que ce type de mise en mots permettrait en quelque sorte de décharger la charge émotionnelle et traumatique liée à l’événement et aurait un rôle de prévention dans l'apparition de troubles psychiques ultérieurs (dont les ESPT - état de stress post-traumatique).
Ce type de récit, dit abréactif, a été initialement développé comme méthode de soin par l'armée américaine pendant la Deuxième Guerre Mondiale sur le front asiatique. Le soldat est alors incité à relater dans ses moindres détails l’événement potentiellement traumatique : qu'a-t-il vécu, pensé, ressenti, fait ? Ces pratiques vont peu à peu être protocolisées (élaboration de questionnaires détaillés) et étendues dans les années 70 et 80 à la prise en charge de victimes civiles de catastrophes et d'accidents. Elles vont être introduites en France dans les années 80 par des psychiatres militaires (Louis Crocq notamment) et mener à la création des CUMP (Cellule d'Urgence Médico-Psychologique) après l'attente du RER Saint Michel en 1995...

... Alors même que leur intérêt clinique commence à être débattu et remis en cause. Plusieurs méta-analyses, c'est-à-dire des recherches qui regroupent elles-mêmes plusieurs études et donc plusieurs milliers de patients, montrent que les debriefings ainsi conduits sont inefficaces.
Aujourd’hui  les spécialistes (qui interviennent notamment dans le champ humanitaire) s'accordent à dire que, plutôt que de solliciter un récit des personnes touchées par un événement potentiellement traumatique, il est important de procurer aux personnes un sentiment de sécurité, de les calmer, de les amener à retrouver un sentiment d'efficacité, de lien à autrui et de l'espoir (1) ; soit en définitive de les apaiser dans l'ici et maintenant et les orienter vers l'avenir.
Il ne s'agit pas bien sûr d'empêcher la personne de relater ce qu'elle a vécu si elle le fait spontanément mais de respecter ses défenses en ne l'incitant pas à le faire. Il semble que le plus important est d'assurer aux personnes un environnement sécurisant et une présence humaine, soit par exemple offrir une couverture et un café...  Ce qui est à la portée de n'importe qui et ne nécessite aucun expert "psy" !

Que proposer alors en termes d'intervention psychologique quand les personnes en font la demande ou expriment le besoin de parler ? Si revenir en détail sur l’événement potentiellement traumatique dans la phase de stress aigu (les 3 semaines qui suivent l’événement) au détriment des défenses singulières des personnes semble iatrogène, il existe d'autres formes de débriefing, dont  le débriefing dit centré compétences qui encourage la ou les personne(s) à se centrer rapidement sur leurs besoins (à court, moyen, long terme) et sur ceux de leur communauté (selon les cas : famille, équipe, etc.). Je le pratique depuis j'y suis formée et j'avoue être étonnée de ses effets positifs sur la résilience des personnes et la restauration des liens au sein des équipes de professionnels dans lesquelles j'interviens.

1. Hobfoll S.E. et al. (2007). Five Essential Elements of Immediate and Mid-Term Mass Trauma Intervention : Empirical Evidence. Psychiatry 70(4), pp. 283-315

A lire sur l'histoire du debriefing : Trauma et narcissisme de Sandrine Behagbel. PUF, 2010.

mardi 17 octobre 2017

Idée lecture : Tombé dans l'oreille d'un sourd

Loi sur le handicap Psychologie Enfant sourd Prématurité
Nouveau passage à ma bibliothèque de quartier, nouvelle découverte d'un roman graphique sur le vécu de personnes confrontées à la maladie ou au handicap.
"Tombé dans l'oreille d'un sourd" raconte le vécu du dessinateur et scénariste du livre, Grégory Mahieux, de sa femme et de leurs deux enfants, Charles et Tristan.
Charles et Tristan sont jumeaux et prématurés. Rapidement l'état de santé de Charles est inquiétant et on lui diagnostique une maladie métabolique d'origine génétique, la galactosémie congénitale. Le début du récit se concentre donc sur le stress de la naissance d'enfants prématurés et l'impact de l'annonce d'une maladie génétique sur chaque parent et sur le couple.
Mais l'essentiel du livre est consacré à l'autre enfant : Tristan. Tristan semble se développer normalement les premiers mois puis le doute s'installe et Tristan finit par être diagnostiqué sourd profond à l'âge de un an.L'auteur livre ici un beau récit graphique, très personnel ; il s'appuie sur un dessin à la fois épuré et précis, non dénué de clins d'oeil humoristiques qui viennent contre-balancer la pesanteur du quotidien exposé.

Dans une première partie du récit, Tristan est encore un jeune enfant et le récit se concentre sur les difficultés de Grégory Mahieux  à faire entendre ses doutes et ses ressentis auprès de l'équipe médicale et rééducative en charge de son fils et à se faire accompagner face aux difficultés de communication avec son enfant. Il ne cache pas les dissensions qui ont pu exister avec sa femme et l'impact de ce handicap sur son couple.
La surdité est en effet un handicap particulier dans la société d'hyper-communication qui est la nôtre. Handicap qui génère des positions assez tranchées les positions à adopter : implant cochléaire et rééducation intensive pour intégrer l'oralisation versus communication par LSF et revendication de la surdité comme une culture propre et distincte. Or les parents de Tristan sont, comme beaucoup de parents, avant tout soucieux du bien-être de leur enfant et à la recherche de solutions adaptées à leur enfant dans toute sa richesse et sa singularité. Grégory Mahieux résume ainsi son désarroi de l'époque:
"On a l'impression qu'on a le choix entre la solitude, l'implant ou le communautarisme".


La deuxième partie du récit est consacrée au parcours du combattant qu'ont dû mener ses parents pour faire valoir les droits accordés à leur enfant par la loi de 2005 sur le handicap, notamment la compensation des conséquences du handicap qui devrait permettre sa scolarisation en milieu ordinaire (c'est-à-dire à l'école de son quartier) ou bien l'adaptation du temps de travail du père pour alléger l'organisation nécessaire au suivi médical et rééducatif de Tristan. Ce ne sera malheureusement pas une découverte pour tous les parents d'un enfant atteint d'un handicap : l'application de cette loi (qui a quand même 12 ans...) est encore une utopie dans beaucoup (trop) de cas. Heureusement Grégory Mahieux a de l'humour ; je laisse le lecteur découvrir sa définition de la MDPH (maison départementale des personnes handicapées), très personnelle mais dans laquelle je parie que beaucoup se reconnaitront !

Et pourtant comme le conclut magnifiquement l'auteur :
"en voulant lui ouvrir le champs des possibles, c'est à nous tous que nous avons offert des opportunités"...

A lire : Tombé dans l'oreille d'un sourd -  Mahieux et Levitre - Ed. Steinkis - 2017

mardi 10 octobre 2017

Au détour d'une consultation : idées reçues sur le psychologue

Stéréotype A quoi sert un psy
J'ai travaillé dans plusieurs institutions auprès d'adolescents mais aussi d'adultes poussés ou tirés là par leurs proches et qui avaient pour point commun de n'avoir aucune aucune envie de voir un "psy". Souvent parce qu'ils n'en voyaient pas l'intérêt, mais aussi parce que leurs idées préconçues sur le psychologue entravaient le premier contact. J'ai longtemps attribué ce rejet au fait que j'exerçais dans le secteur du handicap et de la santé mentale. Quand j'ai commencé à exercer en libéral, je me suis rendu compte qu'il s'agissait en fait de préjugés largement partagés par tout un chacun ! Petit tour d'horizon...


Les psys, c'est pour les fous (c'est-à-dire pas pour moi...)

Il ne s'agit pas ici d'essayer de définir la folie, ce pourrait être l'objet d'un (long) article prochain. Partons juste du constat que certes beaucoup de psychologues exercent dans les services de psychiatrie (même si j'ai l'impression qu'il y en a de moins en moins) mais les psychologues travaillent également en crèche, en PMI, en protection de l'enfance, en EHPAD, dans les services de soins somatiques, dans les structures d'accompagnement de personnes en situation de handicap, de personnes en situation de précarité sociale, en prison, dans les écoles, collèges et lycées, et je ne peux qu'en oublier (je m'en excuse auprès des collègues concernés !). J'ai l'habitude de dire aux jeunes que j'ai été écoutante auprès de malades du cancer, que ceux-ci ne sont pas fous, mais que les aléas de la vie les ont conduits à demander de l'aide
Bref le psychologue n'est pas un spécialiste des fous (dans l'hypothèse où une telle spécialité aurait un sens). C'est juste un professionnel qui, par son écoute spécifique et dans le respect des capacités de la personne, aide à exprimer ce qui fait souci et à explorer d'autres façons d'être en relation avec soi-même et avec les autres. Bref qui a dans sa besace quelques munitions pour essayer d'écouter et de soulager la souffrance humaine. A ce compte là le psychologue c'est potentiellement pour tout le monde...

Les psys peuvent lire dans les pensées

Et bien non, les psychologues n'ont (normalement) ni marc de café, ni entrailles de poisson, ni boule de cristal dans leur cabinet. Ils devineront donc pas vos problèmes. Certes certains psychologues, sensibilisés à une approche davantage psycho-corporelle, seront attentifs à ce que le corps peut dire en dehors des mots. Mais tout un axe du travail psychologique consiste à arriver à mettre des mots sur ses difficultés, ses éprouvés corporels, ses émotions, ses pensées, etc.
Il peut être cependant intéressant de se demander pourquoi l'on a ce désir d'être compris ou entendu sans avoir à exprimer ses envies, ses besoins ou ses difficultés...


Les psys peuvent apporter des solutions toutes faites à mes problèmes

Dans certains cas, les psychologues peuvent effectivement donner des conseils : c'est le cas des entretiens de guidance parentale par exemple (qui visent à aider les parents à mieux prendre en compte les spécificités psychologiques de leurs enfants). Ce peut être aussi le cas quand la personne est ponctuellement en difficulté pour prendre soin d'elle : le psychologue peut alors par exemple conseiller de voir un médecin pour un traitement ou un arrêt maladie.
Mais dans la majorité des cas, le psychologue est là pour accompagner la personne dans la construction de ses propres solutions... qui en pratique s'avèreront infiniment plus adaptées et respectueuses de la personne que des solutions toutes faites !
C'est bien la personne qui consulte qui est l'experte de sa propre vie, le psychologue est là pour l'accompagner au mieux.

Les psys sont dingues

Les psychologues ont parfois (voire souvent) le défaut de s'enfermer dans un jargon professionnel, peu accessible aux non-professionnels. Cela dit, les médecins et les informaticiens aussi et on ne les traite pas de fous pour autant !
Mais les psychologues ont  généralement par ailleurs une grande tolérance pour les singularités, les originalités, certains comportements considérés comme anormaux par la plupart des gens (dans le respect bien évidemment de la loi ! Tout comportement n'est pas acceptable). Est-ce à dire qu'ils sont dingues ?
En ce qui me concerne, j'ai depuis des années épinglé au-dessus de mon bureau la citation suivante (de Schopenhauer) :
"Nous devrions traiter avec clémence toutes les folies, toutes les faiblesses et tous les vices des hommes, en gardant bien à l'esprit que ce ne sont là que nos propres folies, nos propres faiblesses et nos propres vices. Car ce sont simplement les faiblesses de l'humanité, à laquelle nous appartenons également ; aussi les avons-nous toutes au plus profond de nous-mêmes."

Les psys ne parlent pas

 Je n'aurais qu'un seule réponse : cela dépend desquels et de leur cadre théorique. Bref ce n'est en aucun cas une généralité. N'hésitez pas à leur poser des questions sur leur façon de travailler !


mercredi 4 octobre 2017

Dans le ventre de l'hôpital : penser le travail en équipe

Hôpital travail d'équipe psychodynamique du travail
Hier soir, était diffusé un documentaire sur les blocs opératoires de l'hôpital Saint Louis à Paris. Vous pouvez le découvrir ou revoir sur Arte jusqu'à mardi prochain. Ce documentaire de Jérôme Le Maire suit pendant plusieurs mois le quotidien et les questionnements des équipes de bloc : chirurgiens, anesthésistes, infirmiers, aides-soignants, etc. donnent à voir avec beaucoup d'honnêteté leur épuisement, leur souffrance au travail, la perte de sens de leur activité. Plusieurs professionnels le disent : ils adorent leur métier mais en sont venus à détester leur travail.
Si vous n'avez pas vu ce film, je préfère vous prévenir : l'atmosphère y est oppressante. Le mal-être de beaucoup de ces soignants se traduit par des arrêts maladie et un turn-over des professionnels mais aussi par des altercations verbales violentes qui ont au moins le mérite d'alerter la direction de l'hôpital qui diligente un audit sur la qualité de vie au travail. Là j'avoue ne pas avoir bien compris comment un audit sur la qualité de vie au travail pouvait proposer comme conclusion que le taux d'occupation des blocs (de 86% si ma mémoire est bonne) et la durée entre 2 interventions (de 17 minutes) pouvaient être améliorés... Alors que l'on voit les équipes essayer de tenir des plannings d'intervention qui, je cite, "débordent" avant même que leurs journées de travail ne commencent.

J'ai eu l'impression, quasiment surréaliste, que les intervenants chargés d'organiser le travail de ces équipes n'avaient jamais entendu parler des travaux développés en psychodynamique du travail. Pour résumer, selon les propositions de l'équipe de Christophe Dejours, pour analyser le travail, il faut distinguer la tâche prescrite et le travail réel. La tâche prescrite, c'est ce que l'on est censé faire : on peut le représenter par un protocole ou un planning de bloc opératoire. Or on ne peut jamais dans la réalité réaliser la tâche prescrite. C'est déjà le cas dans une unité d'usine où l'on travaille à la chaîne : une machine tombe en panne, un produit fourni n'a pas tout à fait les caractéristiques souhaitées, etc. et il faut s'adapter. Pas besoin d'être médecin pour se douter que dans le domaine du soin et de l'humain, les imprévus et les adaptations sont légion. Le travail d'équipe consiste donc à "tricoter" ensemble les transgressions aux règles prescrites pour adapter l'activité à la réalité rencontrée. Dans l'univers technique du bloc opératoire, cela demande concrètement à ce que l'aide-soignant, l'infirmier, l'anesthésiste et le chirurgien "tricotent" ensemble la manière dont ils vont s'adapter au réel des corps et des contraintes techniques. C'est cette négociation permanente qui va permettre de donner sens au travail. Et permettre à chaque professionnel de se reposer sur l'équipe et ne pas tout porter sur ses épaules.
Dans le cas des blocs opératoires de l'hôpital Saint Louis, il a été décidé il y a quelques années de mutualiser le support technique des différents blocs afin de rationaliser l'activité et de diminuer les charges d'activité. Auparavant le chirurgien digestif travaillait avec un anesthésiste et un infirmier de bloc dédié par exemple. Désormais, les anesthésistes et infirmiers de blocs se partagent entre les différents blocs. Or, là encore, pas besoin d'être médecin, pour se douter que la logique d'un chirurgien spécialiste des greffes coeur-poumon (opérations qui durent plusieurs heures et nécessitent notamment la coordination au niveau du prélèvement du greffon) n'est pas vraiment la même que celle d'un chirurgien qui enchaîne des opérations plus simples et plus courtes (de 10 à 30 minutes). Les besoins ne sont pas les mêmes, les enjeux ne sont pas les mêmes, les modes d'organisation du travail ne sont pas les mêmes. Même si pour un oeil extérieur et bureaucratique, il s'agit toujours d'endormir un patient, de l'ouvrir, de tripatouiller à l'intérieur et de le refermer ;-). Bref cela nécessiterait que les équipes se posent ensemble et échangent sur le réel de leur travail : pourquoi font-ils ce qu'ils font ? En partant de l'hypothèse que, s'ils le font, c'est qu'ils ont d'excellentes raisons de faire comme ça. A partir de là, ils pourraient dégager des pistes d'améliorations pertinentes puisque ce sont eux qui connaissent le mieux le réel de leur travail. C'est d'ailleurs ce que les équipes du documentaire mettent spontanément en place dans une certaine mesure par le biais d'une boîte à idées.
Cela m'a fait penser à l'exemple exposé dans le livre de Christophe Dejours, "Souffrir au travail n'est pas une fatalité" : son équipe est intervenu dans une entreprise où avait été mis en place un nouveau logiciel comptable destiné à rationaliser l'activité. Logiciel qui s'est avéré, mais de manière insidieuse, inadapté à l'activité réelle des services. Ce qui avait engendré une désorganisation du travail et une souffrance des salariés qui s'était traduite là aussi par des conflits interpersonnels.

J'ai le sentiment que la souffrance au travail est en pleine explosion. Je vois de plus en plus de jeunes qui désinvestissent complètement leur travail pour se protéger du manque de sens dans leur activité. Je peine à voir quel intérêt il y a à organiser des environnements de travail aussi déshumanisés et délétères... Le retour financier à (très) court terme existe peut-être (et encore ?!) mais à moyen et long terme, c'est contre-productif.

A lire : Souffrir au travail n'est pas une fatalité de Christophe Dejours, Bayard Culture

vendredi 29 septembre 2017

Le bilan psychologique chez l'enfant : à quoi ça sert ?

Développement de l'enfant Guidance parentale
Pas de cours de psychologie du développement de l'enfant ici (ça serait bien trop long) mais une idée de base : l'enfant construit ses bases psychiques comme on construit une maison = par étapes successives. La solidité de chaque étage dépend de la solidité, de la qualité de l'étage précédent. Plus l'enfant est jeune, plus il est vulnérable et dépendant de son environnement pour arriver à construire son psychisme.

Le développement de l’enfant est donc quelque chose de très complexe, déterminé par de multiples facteurs, il est même étonnant que ça se passe souvent plutôt bien. En effet, pour que le franchissement des différentes étapes se passe sans souci, il faut que les personnes qui s’occupent de lui puissent répondre de façon adaptée à ses besoins psycho-affectifs spécifiques à chaque étape. Elles souhaitent faire le mieux pour l’enfant mais peuvent être entravées dans leurs réponses à l’enfant par des évènements de vie difficiles (maladie, deuil, chômage, difficultés financières, etc.), un manque de compréhension des besoins spécifiques de l’enfant (qui peuvent parfois s’exprimer de façon déconcertante ! ) ou des modalités relationnelles qu’ils ont eux-mêmes développées lors de leur propre développement infantile faute d’avoir reçu les nourritures psycho-affectives dont ils avaient besoin.
Nulle culpabilité à avoir si l'enfant présente des difficultés ou des symptômes gênants, la plupart des familles font du mieux qu'elles peuvent. Mais ce manque de réponses aux besoins psycho-affectifs peut laisser comme une trace dans le psychisme de l’enfant, analogue à une fissure dans une maison susceptible de fragiliser l’ensemble du bâtiment : on parle en psychanalyse de « fixation » à un stade de développement antérieur à ce qui est attendu à l’âge chronologique de l’enfant. Le psychisme étant quelque chose de plus complexe qu’une maison, cette fixation ne se voit pas forcément de façon évidente mais s’exprime par le biais de symptômes plus ou moins déconcertants : difficultés de séparation, d’attention, enfant « bougeon », difficultés relationnelles avec les frères et sœurs ou les copains, difficulté à trouver sa place d’élève, à investir les apprentissages, troubles du sommeil, troubles alimentaires, phobies, tics ou tocs, troubles du comportement, transgressions, etc. La liste est quasi-infinie !

Le bilan psychologique : un outil de compréhension des symptômes de l’enfant

Lors du bilan psychologique, le psychologue va explorer le psychisme de l’enfant (si celui-ci est d'accord !) dans son ensemble, tenter de déterminer les fixations (les « fissures » évoquées plus haut) éventuelles ainsi que les ressources (points forts) de l’enfant.
Généralement le bilan psychologique comprend un test d’efficience intellectuelle, appelé familièrement test de QI (WISC pour les enfants d'âge scolaire). En fait le chiffre de QI n’a que peu d’intérêt en lui-même. Certes dans le cas de difficultés scolaires, il peut être intéressant d'objectiver d’éventuelles difficultés d’ordre cognitif pour proposer par exemple des adaptations en milieu scolaire. Mais il est également pertinent de voir comment l’enfant mobilise ses capacités intellectuelles : des difficultés d’ordre psycho-affectif viennent-elles interférer dans sa pensée ?
C'est pourquoi le bilan psychologique est complété par ce que l’on appelle des « tests projectifs » (Rorschach, Patte Noire, TAT, épreuves de dessin...) qui permettent d’explorer les angoisses, les conflits et les représentations que l’enfant se fait de lui-même et de son environnement. En effet l’enfant, à partir des matériaux proposés (consigne de dessin, images à décrire, histoires à raconter...), va révéler ses préoccupations dont il n’a pas nécessairement conscience ou qu’il ne saurait pas verbaliser.

C'est l'analyse de l'ensemble de ce matériel qui permettra de mieux comprendre le monde interne de l’enfant (comment il se voit et se représente les relations à son environnement), de dégager des pistes de compréhension de ses symptômes et de proposer des conseils de guidance parentale pour aider au mieux l’enfant, voire des pistes thérapeutiques si besoin.
La restitution de bilan psychologique peut parfois être un moment stressant ou difficile pour les parents mais elle permet aussi souvent de changer le regard sur les symptômes de l'enfant et d'engager ainsi une autre dynamique de développement.

lundi 18 septembre 2017

Idée lecture : le syndrome du petit pois

aidant familial démence affection neurodégénérative
Grande lectrice, j'ai en permanence une liste de livres à lire ; j'aime cependant piocher au hasard "à l'instinct" au gré de mes fréquentes déambulations dans les allées de ma bibliothèque municipale. Ces dernières années j'ai ainsi eu le plaisir de découvrir plusieurs récits dessinés, témoignages de patients et de proches confrontés à la maladie somatique ou psychique ou bien au handicap.
Si au quotidien j'aime beaucoup lire des textes de fiction qui laisse la place à mon imaginaire, les dessins me semblent parfois transmettre  plus justement le ressenti des personnes là où les mots pourraient être violents ou vides de sens pour le lecteur.

Le "syndrome du petit pois" nous plonge ainsi dans le vécu d'un fils dont la mère est atteinte du syndrome de Benson, une affection neurodégénérative également appelée atrophie corticale postérieure. Même si cette pathologie est distincte de la maladie d'Alzheimer (qui toucherait environ 1 million de personnes en France selon l'étude PAQUID - source INVS), je pense que beaucoup de proches de personnes atteintes par la maladie d'Alzheimer pourront s'y retrouver. Tant les mots que les dessins permettent en effet d'approcher la détresse de ce fils, son angoisse mais aussi les petites joies qui demeurent tout au long du cheminement avec la maladie : diagnostic, aggravation des pertes de mémoire et de la désorientation, entrée en EHPAD. J'ai particulièrement été touchée par les répercussions sur sa vie de couple et de jeune père. Le livre aborde également sans jugement ni solution toute faite l'épuisement des aidants les plus proches, dans ce livre le compagnon de la personne touchée.
Compte tenu de des entrées en institution de plus en plus tardives, la question est d'actualité et les solutions à construire : quelles aides proposer aux aidants de personnes atteintes par une pathologie neurodégénérative ?

A lire : Le syndrome du petit pois - Domas - Ed. La Boîte à bulles - 2016